Dans ces deux tableaux, Alessandro Magnasco dépeint avec force et expressivité le tragique destin des condamnés aux galères. Son style dramatique, caractérisé par des figures et une écriture tourmentées et des jeux de lumière contrastés, accentue la dureté de ces scènes de torture et de répression.
Magnasco traite deux moments successifs de l’incarcération des galériens au bagne de Gênes. Le premier tableau représente l’arrivée des prisonniers, enchaînés et traînés par les gardes à cheval, afin de subir un interrogatoire dans la cour du bagne. Au centre, un homme condamné au supplice de l’estrapade - l’accusé est suspendu à une corde - permet au greffier attablé de recueillir ses aveux. Au fond du tableau, d’autres prisonniers arrivent sous le regard de badauds penchés à une balustrade. Le deuxième tableau illustre le moment où les prisonniers sont rasés et marqués au fer rouge avant d’être embarqués sur les galères. Le haut phare (du Capo di Faro) situe sans conteste la scène dans le port de Gênes.
Rarement représenté, ce drame intemporel de l’homme humilié, supplicié et asservi puise son inspiration dans la vie quotidienne génoise. Il n'est pas non plus sans rappeler des Grandes misères de la guerre (1633) une série de 18 eaux-fortes de Jacques Callot (1592-1635). Magnasco a pu les étudier à Florence entre 1703 et 1711 et s’en inspire notamment pour la scène de l’estrapade.
Le thème carcéral des deux peintures participait alors d’une réflexion sur la justice lombarde, à laquelle le peintre s'intéressa très tôt (Interrogatoire, Kunsthistorisches Museum, Vienne) et dont les figures marquantes furent Bartolomeo Melchiori et Cesare Beccaria, auteurs du Traité des tourments (1751) et Des délits et des peines (1764).
Dans le premier tableau, les horizontales (balustrades, alignement des prisonniers) et les verticales (colonnes) construisent l’espace de la prison. Dans le second, ce sont les lignes obliques qui dominent (colline, vergues des bateaux, des rames). Si la composition centrale des deux œuvres est triangulaire, des oppositions sont cependant visibles dans la construction (un lieu fermé, solide et statique contre un lieu ouvert, liquide et dynamique) et dans les couleurs (les bruns, les gris rehaussés de rose, de bleu et de jaune contre la dominante de bleu-vert). S’affranchissant des proportions, l’artiste représente les bourreaux avec de toutes petites têtes sur des corps immenses.
Il semblerait que ces deux tableaux furent peints entre 1740-1749 lorsque Alessandro Magnasco vivait à Gênes. L'originalité de cette iconographie, rarement traitée dans la peinture du 18e siècle et le traitement de la lumière et de la couleur par l’artiste en font des œuvres remarquables.