Embarquement des galériens dans le port de Gênes / Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes

Alessandro Magnasco, dit Il Lissandro

Image

Embarquement des galériens dans le port de Gênes
Date : 18e siècle
Technique : huile sur toile 
Dimensions : H. 116 cm x l. 143 cm
Acquisition : achat de la Ville de Bordeaux en 1961 
N° inv. : Bx 1961.11.1
Exposé
Crédit photo : F. Deval, mairie de Bordeaux

Image

Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes
Date : 18e siècle
Technique : huile sur toile 
Dimensions : H. 116 cm x l. 143 cm
Acquisition : achat de la Ville de Bordeaux en 1961 
N° inv. : Bx 1961.11.2
Exposé

Zone de contenu

Dans ces deux tableaux, Alessandro Magnasco dépeint avec force et expressivité le tragique destin des condamnés aux galères. Son style dramatique, caractérisé par des figures et une écriture tourmentées et des jeux de lumière contrastés, accentue la dureté de ces scènes de torture et de répression. 

Magnasco traite deux moments successifs de l’incarcération des galériens au bagne de Gênes. Le premier tableau représente l’arrivée des prisonniers, enchaînés et traînés par les gardes à cheval, afin de subir un interrogatoire dans la cour du bagne. Au centre, un homme condamné au supplice de l’estrapade - l’accusé est suspendu à une corde - permet au greffier attablé de recueillir ses aveux. Au fond du tableau, d’autres prisonniers arrivent sous le regard de badauds penchés à une balustrade. Le deuxième tableau illustre le moment où les prisonniers sont rasés et marqués au fer rouge avant d’être embarqués sur les galères. Le haut phare (du Capo di Faro) situe sans conteste la scène dans le port de Gênes.

Rarement représenté, ce drame intemporel de l’homme humilié, supplicié et asservi puise son inspiration dans la vie quotidienne génoise. Il n'est pas non plus sans rappeler des Grandes misères de la guerre (1633) une série de 18 eaux-fortes de Jacques Callot (1592-1635). Magnasco a pu les étudier à Florence entre 1703 et 1711 et s’en inspire notamment pour la scène de l’estrapade.

Le thème carcéral des deux peintures participait alors d’une réflexion sur la justice lombarde, à laquelle le peintre s'intéressa très tôt (Interrogatoire, Kunsthistorisches Museum, Vienne) et dont les figures marquantes furent Bartolomeo Melchiori et Cesare Beccaria, auteurs du Traité des tourments (1751) et Des délits et des peines (1764).

Dans le premier tableau, les horizontales (balustrades, alignement des prisonniers) et les verticales (colonnes) construisent l’espace de la prison. Dans le second, ce sont les lignes obliques qui dominent (colline, vergues des bateaux, des rames). Si la composition centrale des deux œuvres est triangulaire, des oppositions sont cependant visibles dans la construction (un lieu fermé, solide et statique contre un lieu ouvert, liquide et dynamique) et dans les couleurs (les bruns, les gris rehaussés de rose, de bleu et de jaune contre la dominante de bleu-vert). S’affranchissant des proportions, l’artiste représente les bourreaux avec de toutes petites têtes sur des corps immenses.

Il semblerait que ces deux tableaux furent peints entre 1740-1749 lorsque Alessandro Magnasco vivait à Gênes. L'originalité de cette iconographie, rarement traitée dans la peinture du 18e siècle et le traitement de la lumière et de la couleur par l’artiste en font des œuvres remarquables.

Le saviez-vous ?

Ce ne fut qu’en 1962 que l’historienne de l’art Sylvie Béguin attribua ces deux toiles à Alessandro Magnasco. En revanche, leur provenance et le contexte de leur commande restent indéterminés.

Lecteur audio
00:00 / 00:00
Légende

Écoutez la notice de l’œuvre

Transcription de l'audio

Ces deux œuvres du peintre italien Alessandro Magnasco sont tout à fait originales, tant par leur thème que par leur technique. Elles donnent à voir le quotidien cauchemardesque des condamnés aux galères. 

Dans l’œuvre de gauche, Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes, en Italie, les suppliciés, retenus par des fers rouillés qui leur charcutent les membres, sont traînés et martyrisés par leurs tortionnaires. À l’arrière-plan du tableau, vous pouvez d’ailleurs voir une séance de torture ; le supplice de l’estrapade. Celui-ci consiste à suspendre à une corde les prisonniers pour qu’ils avouent leurs méfaits. 

Dans le tableau de droite, intitulé L’Embarquement des galériens au port de Gênes, les féroces bourreaux exploitent les forçats sur les quais et les galères, les marquant aux fers ou les tirant par les cheveux, afin qu’ils rejoignent leurs futures prisons. Pour mieux exprimer l'horreur, Magnasco choisit des couleurs austères, et détache les figures claires du fond sombre avec une lumière dramatique. 

Les deux compositions s’inscrivent dans la thématique des « Prisons » - Carceri en italien - de Piranèse, sujets très à la mode durant la seconde moitié du 18e siècle.

Magnasco, spécialiste des représentations des bas-fonds, dénonce ici la tyrannie dans un élan de révolte, nourri des réflexions des Lumières.