Pierre Cizos-Natou : autobiographie

Autobiographie de Pierre Cizos-Natou, un créateur libre

La Généalogie, une découverte
J’ai découvert la plus ancienne mention de mon nom dans la petite vallée de l'Arboust, sur l'église de Saint-Aventin (Haute-Garonne). Elle conserve, scellés dans ces murs extérieurs, deux petits autels votifs en pierre portant le nom de Cizos (Ve siècle). Plus ancien encore, une plaque funéraire de marbre blanc trouvée en vallée d'Aure et conservée au musée Saint-Raymond de Toulouse, semble, d’après la qualité du lettrage, du IVe ou Ve siècle.
Lors de mes recherches généalogiques, dans les pouillés (registres des biens et des bénéfices ecclésiastiques d’une région), j'ai décelé un certain Vitalis de Cizos en 1242 qui touchait les bénéfices de la chapelle Saint-Jean de Moret à Castelnau-Magnoac (Hautes-Pyrénées), il était cousin de Guillaume de Lunax en Haute-Garonne.
En 1405, un prêtre Guilhem de Cizos précède la généalogie compliquée de Guilhem Cizos (1519), notaire à Monléon. Un partiel de terrier, dévoile une Jeanne Cizos-Natou en 1563 possédant 23 terres à Monléon-Magnoac, notre fief ancestral.
Le XVIIe siècle comprend une lignée de marchands éleveurs, puis des libéraux, et surtout des avocats et hommes de loi.
Guillaume Cizos-Natou mon arrière-grand-père, vint s'établir à Bordeaux et mon grand-père y resta jusqu'à sa mort en 1913.
 
Ma famille
Avant 1914, mon père (1894-1935) partit naviguer en tant que matelot, sur « La Savoie » et le « Burdigala », navires marchands et longs courriers. Il épousa Hélène Moreaux (1895-1973), originaire de Ribemont dans l’Aisne. Il était passionné de chant, un goût qui sûrement m'eut servi ! Selon ma mère, il disait que pour lui, les deux plus grands peintres étaient Rembrandt et Van Gogh, ce qui n'était pas si courant danse notre environnement familial. Cependant, à 7 ans et demi j'étais Pupille de la Nation. Mon père, Croix de guerre avec citation, est décédé le 6 janvier 1935 des suites des attaques au gaz ypérite (gaz moutarde) subies pendant la Première Guerre mondiale, mais je n'ai bénéficié d'aucune aide de bourse ou autre pour prendre une orientation artistique.
 
Naissance d'une passion
Mon goût pour le dessin fut remarqué dès 1941 à l'école primaire. J'avais obtenu le prix du concours de portrait sur l'ensemble des écoles de Bordeaux, c’était pour moi un encouragement et une idée de cheminement. 
Après le certificat d'études primaires et le cours supérieur, je pris un départ pour une vie de travail manuel dans l'aéronautique. De bons salaires me permettaient le remboursement de la petite maison, construite sous la loi Loucheur qui eut un grand succès pour ceux qui n'étaient pas bien fournis en finances. Durant ma jeunesse et mon adolescence je ne produisis que quelques dessins et aquarelles, seulement pour le plaisir, en passe-temps. 
Puis vint le service militaire, avec mon incorporation dans l'armée de l'air, les classes à Toulouse-Pérignon le 5 juin 1947, la formation dans les communications comme télétypiste (c'étaient les premières communications câblées, piste au secret à Marignane, indicatif non communicable, recommandés, sécurité de l'armée). Démobilisé le 28 août 1948, je ne perds pas de temps et m’inscris à l'Ecole Philomathique de Bordeaux, section Peinture, Décoration, Peintures en lettres et clichetage. 
Cette époque fut très problématique pour moi, il me fallait faire les bons choix pour ne pas avoir de perte de revenu. Je pris la ferme décision, suite à mes  trois années de préparation à l'École Philomathique, de me présenter à l'École des Beaux-arts de Bordeaux.  Grâce à mon dossier très varié et à mes nombreux prix, j’ai convaincu M. Gaston Marty (professeur à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux). En 1950 durant huit mois, j’ai occupé un emploi de lettreur sur panneaux de cinéma, cela m'a fait entrevoir un métier d'art.
 
1953, Cizos-Natou à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux et Camille de Buzon (professeur)fig. 1   1954, Cizos-Natou à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux et F. M. Roganeau (professeur)fig. 2
Une Carrière
Mais entre temps, ma peinture se faisait jour en même temps que mes cours à l'École des Beaux-Arts. De 1951 à 1955, mes professeurs furent donc M. Gaston Marty, M. Robert Charazac, M. Camille de Buzon (fig. 1) et François-Maurice Roganeau (fig. 2)(1er grand prix de Rome et directeur de l'école), il fut mon professeur durant deux années en classe supérieure.
En 1956 un poste de maître de dessin me fut proposé en 1956 à Pau, poste provisoire mais encourageant. Je démissionnais pour une place mieux rémunérée dans l'aéronautique (publicité, catalogue…). Les cours de dessin devaient être donnés au collège Saint Criq (750 élèves à instruire chaque semaine, effarant…) mon remplaçant en était tombé malade.
En 1952, je stabilisais ma vie en épousant Lucienne Garraud, issue d'une famille d'artisans des Pyrénées, établie à Saint-Loubès (Gironde). Nous avons eu trois enfants, Florence, Régis et Catherine. Durant ce temps familial, 
publicité et peinture occupaient ma petite vie de bohème. J’ai occupé divers ateliers à Bordeaux : 50 rue Lafon, 17 rue Dutrey et le dernier 5 rue Lartigue. Ma claustrophobie m’oriente vers un meilleur chemin : le paysage. Mon souhait est de peindre surtout d'après nature et de persévérer pour conquérir la rapidité et détruire le vieux raisonnement « vite et bien ne vont pas ensemble ». Le développement du mental vers la rapidité exige une discipline et j’ai multiplié, sans cesse, les croquis, dessins et esquisses rapides. J’exécutais, d’après nature, des toiles en une seule séance qui ont été sélectionnées au niveau national, et européen. C’était encourageant.

1962, Cizos-Natou dans son atelier du 5 de la rue Montagut aujourd'hui détruite

Je garde à l'esprit mes essais de 1957 et ma première sélection nationale pour la Triennale du château de la Jansonne dans les Bouches-du-Rhône (L'Enfant au livre, 1957et en 1963 pour le Salon d'Automne de Paris(Cathédrale Saint-André, Bordeaux sous la neige, 1963). Mon prix de Nîmes (Taureaux dans la neige, 1964) me permit de découvrir la lumière provençale en 1964, pendant une semaine. Mon exposition sur la Provence en 1974 a été déterminante pour mon cheminement ainsi que les aides d'un Américain, diffuseur de l'art sur les cinq continents. De même, mon voyage en Grèce m'a permis de développer mon sens de la beauté et de l'esthétique (Plaine d'Argolide, Grèce. Aquarelle, 1982).
 
fig. 3 : Mon atelier. Cizos-Natou devant L'Enfant au renard, dans son atelier du 5 de la rue Montagut à Bordeaux (rue aujourd'hui détruite)
Les années 70 furent pour moi le départ d'un travail soutenu et n'oublions pas les deux expositions à Bordeaux, au cabaret du « Couroucou » [dans les faits il s'agit d'un espace brasserie située au 2ème étage des Nouvelles Galeries où étaient organisés des animations culturelles]. Elles furent déterminantes grâce aux contacts répétés avec des mécènes, avocats et négociants en vins (1961-1963). Ces succès m’ont permis d’acquérir mon premier véhicule. Je multipliais les déplacements en différents lieux du sud de la France. Un travail très intensif à l'huile et à l'aquarelle m'a permis de faire 5 expositions personnelles à la galerie L'Ami des Lettres dont beaucoup se souviennent encore (1974-1976-1980-1983-1985). Mes rares voyages à l'étranger (Espagne et Grèce), ont à la fois conforté et transformé ma définition de l'art. Mes travaux sur nature ne m'ont pas privé de sélections dans les salons nationaux et européens.
1991, Cizos-Natou à Arcangues (Pays basque)Mes recherches sur nature, avant 2000 (Lectoure en Gascogne (Gers), 1994), passent le cap du figuratif traditionnel, par un fond de géométrie dissymétrique (Paysage aquitain (Tabanac), 2009), qui pourtant reste figuratif. Je n’ai point de définition franchement intellectuelle mais une construction spontanée. De même, pour moi, la définition de la couleur est très importante. Pas d'ombre portée à l'impressionniste, mais un choix lumineux, vertical qui donne l'ombre en ligne, qui par l'environnement coloré et lumineux tend à disparaître pour devenir lumière. Et cependant les bleus lointains restituent l'espace.
Autre considération concernant les générations. En art comme en toute conception, en trois fois trente ans, tout change, il vaut mieux en tenir compte. Espace, rapidité, domination des matières en essayant de maintenir une bonne éthique. Et même si le paysage est considéré comme secondaire, il vaut mieux le pratiquer beau et équilibré. Mais sans oublier les évolutions. Trois fois 30 ans ! J'ai vu l'art moderne, l’art abstrait, l’art contemporain, la BD, le Street Art… Ces derniers transformeront-ils les créateurs libres ?
 
 
 
(fig. 4 : 1991, Cizos-Natou à Arcangues dans le Pays basque)

Pierre Cizos-Natou, sur le motif : Dans le Gers, à Branne en Gironde et à Saint-Cirq-Lapopie de 1989 à 1998

Pierre Cizos-Natou, sur le motif
À Saint-Cirq-Lapopie (Lot), 1989
À Béraut (Gers), 12 août 1991
Autour de Branne (Gironde), 1998
Portrait de Pierre Cizos-Natou. Bordeaux, musée des Beaux-Arts, janvier 2016. Photo F. Deval

Portrait de Pierre Cizos-Natou prise au musée des Beaux-Arts de Bordeaux en janvier 2016 par F. Deval