La Nature morte à la vielle de Roland de la Porte, réalisée au 18e siècle, illustre l'habileté de l'artiste à capter la texture et les détails d'objets du quotidien. Dans cette composition, l'instrument de musique, la vielle, se mêle harmonieusement aux autres objets soigneusement disposés, créant ainsi une scène intimiste. La lumière joue un rôle crucial, en accentuant les volumes et les contrastes pour donner vie à cette nature morte vibrante de réalisme et de poésie.
Sur une table en bois, apparaissent un instrument de musique ancien (la vielle à roue), un bocal de pêches au sirop, une partition, deux dés et un cornet placés devant une boîte en laque de Chine, sur laquelle repose une assiette de raisins et de poires. Dans la pénombre de l’arrière-plan, une étagère murale supporte des livres et des étoffes.
Les premières natures mortes aux instruments de musique apparurent dès la seconde moitié du 15e siècle, sur des trompe-l’œil en intarsia - une technique de marqueterie utilisant des pièces de bois de différentes essences et couleurs pour créer des motifs décoratifs - ornant les portes des cabinets de travail d’Udine (vers 1472), de Mantoue (1505) ou de Monte Oliveto Maggeiore (1503-1505). Elles connurent dès lors une diffusion européenne.
La nature morte bordelaise célèbre les plaisirs de la vie : le goût du jeu (le cornet et les dés), les délices de la table (le bocal de pêches, les raisins et les poires) et la musique (la vielle). Mais derrière cette évidence, se dissimulent des allusions philosophiques sur la brièveté de la vie et la limite du savoir avec la partition froissée.
Sur cette dernière, la notation reviendrait peut-être au compositeur Jean-Marie Lemaire qui fut poignardé à son domicile parisien le 23 octobre 1764. D’après Olivier Le Bihan, cette éventuelle attribution donne à la nature morte la dimension symbolique d’un memento mori (« Souviens-toi que tu vas mourir »).
Cette nature morte est avant tout caractéristique du soin que portait l’artiste à la répartition de la lumière et de la couleur. Son traitement illusionniste de la profondeur et sa précision dans le rendu des objets le démarquent de Chardin. En revanche, il se rapproche du maître par la dimension intimiste de la scène et par le rendu des matières, jouant tour à tour sur la rugosité ou le poli, la brillance ou la matité, la simplicité ou la préciosité des surfaces et des matières, à l’exemple de la vielle à roue.