Jean-Joseph TAILLASSON, "Le Tombeau d’Elisée"

(Bordeaux, 1745 – Paris, 1809)

Le Tombeau d’Elisée

Avant 1774
Huile sur toile. Hauteur. 131 cm. Largeur. 159 cm.
Historique : Ancienne collection de l’Académie de Peinture, de Sculpture et d’Architecture de Bordeaux, 1774 ; ancienne collection de l’Ecole de dessin de Bordeaux, 1793 ; entrée au Musée en 1801.

Selon le Second Livre des Rois  (XIII ; 20-22), des Juifs procédaient à l’enterrement de l’un des leurs lorsqu’ils virent une troupe de Moabites qui envahissaient alors Israël. Dans la précipitation, ils jetèrent le cadavre dans le sépulcre d’Elisée enterré l’année précédente. Au contact des os du prophète, l’homme ressuscita et se leva. Flavius Josèphe (v. 37-100 ap J.C) donna une version différente dans ses Antiquités judaïques (livre IX, chap. VIII, § 6). Il évoque des brigands jetant le cadavre de leur victime dans le tombeau du prophète et provoquant involontairement le miracle. C’est d’après cette version que Taillasson choisit le sujet de son tableau.
La composition pyramidale et peu profonde de l’œuvre est accentuée par un éclairage qui détache la gestuelle des personnages sur un fond sombre et qui fait contraster celui-ci avec la vivacité du manteau bleu et du drapé rouge. Le personnage central déploie ses bras vers le ciel tandis que son visage exprime la surprise et la frayeur. A côté de lui, son comparse, en appui sur son bras gauche, exprime le même désarroi et la même stupeur tandis qu’un troisième fuit. Le ressuscité est à peine visible. Avec un effet théâtral, le spectateur ne lui distingue que les pieds encore raides et les deux mains aux doigts écartés, qui se dressent hors de la tombe.
La critique remarqua la qualité  de l’exécution ainsi que l’étude des expressions qui rappelle les conférences de Charles Le Brun au siècle précédent et dont témoigne une étude préparatoire de la tête du principal brigand (Bordeaux, musée des Beaux-Arts).
Issu d’une famille de négociants bordelais, Jean-Joseph Taillasson ne commença son apprentissage artistique qu’à 16 ans, auprès du graveur Lavau. Dans l’atelier de celui-ci, il fit connaissance de Pierre Lacour avec qui il entretint une amitié toute sa vie. Mais, devant les faibles possibilités de la capitale régionale, le jeune peintre préféra résider à Paris en 1764. Il entra alors dans l’école privée que dirigeait l’académicien Joseph-Marie Vien (1716-1809). Deux ans plus tard, il s’inscrivit à l’école de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture et suivit les cours destinés aux futurs peintres d’Histoire. Ces premières toiles connues datent de cette période.
Sur les conseils de son maître Joseph-Marie Vien et de son parent Lemoyne, Taillasson entama en 1767 le parcours qui l’amena à concourir au Grand Prix de peinture. Malgré plusieurs tentatives infructueuses, à l’instar de son confrère Jacques Louis David (1748-1825), il se fit remarquer du public et des amateurs pour ses têtes d’expression.
Après des échecs répétés au Grand Prix de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Taillasson décida de partir pour Rome à ses frais avec l’accord de sa famille. En octobre 1772, il voyagea en compagnie de son ami Pierre Lacour (1745-1814). Le Contrôleur général des Finances Terray accorda à Taillasson l’autorisation de loger au palais Mancini, siège de l’Académie de France à Rome, en avril 1774. Cette même année, l’artiste se fit agréé à l’Académie de Peinture, de Sculpture et d’Architecture de Bordeaux en envoyant depuis Rome le Tombeau d’Elisée et Mars terrassé par Pallas et secouru par Vénus (non localisé) ; il exposa aussi au Salon qui se tenait dans l’hôtel de la Bourse à Bordeaux.
 De retour à Paris, il négligea Bordeaux, n’étant jamais reçu en personne par l’Académie de Bordeaux, « attendu qu’il se tint constamment éloigné de cette ville ». Sa carrière alterna peintures d’histoire antique (Mézence à qui on apporte le corps de Lausus, 1780, dessin préparatoire, Nancy, musée des Beaux-Arts) et portraits (Le Comte de Saint-Germain, 1777, Versailles).
Agréé à l’Académie en 1782 avec la Naissance de Louis XIII (Pau, Musée national du château), il fut reçu deux ans plus tard avec Ulysse et Néoptolème enlevant à Philoctète les flèches d’Hercule (Bordeaux, musée des Beaux-Arts). De sa réception jusqu’en 1806, le peintre exposa régulièrement ses peintures au Salon ; l’envoi le plus important se produisit en 1785 avec une douzaine de peintures et de dessins. La critique soulignait régulièrement les gestes trop appuyés, les couleurs sombres et le dessin un peu sec.
S’engageant résolument dans la Révolution, Taillasson connut ses premières commandes officielles (Rodogune et Sapho, 1791) et, grâce au peintre Jacques-Louis David, obtint un logement au Louvre en 1792. Les « Prix d’encouragement », instaurés en 1792, récompensèrent notamment Pauline, femme de Sénèque, ne voulant pas survivre à son mari, s’était fait ouvrir les veines, 1792-1793, Paris, musée du Louvre) et Héro et Léandre (1798, musée des Beaux-Arts de Bordeaux).
L’œuvre de Taillasson participe du courant néo-classique bien que le Tombeau d’Elisée témoigne de quelques accents baroques. Le peintre s’inspire, pour ce qui est de la composition, de Nicolas Poussin (1594-1665) dont il était un fervent admirateur, mais aussi de ses contemporains David et Peyron.

 

Image de "Le Tombeau d'Elisée"©  Musée des Beaux-Arts-mairie de Bordeaux. Cliché L. Gauthier

"Le Tombeau d'Elisée"© Musée des Beaux-Arts-mairie de Bordeaux. Cliché L. Gauthier