Odette BOYER-CHANTOISEAU, pionnière de l’art abstrait

Odette Boyer-Chantoiseau (1907–1994) s’inscrit parmi les femmes artistes avant-gardistes bordelaises. Elle est présentée dans l’exposition Elles sortent de leur(s) réserve(s). Artistes femmes de la collection visible jusqu’au 13 février 2023, avec l’œuvre Composition, Constructions dans les champs, une huile sur toile acquise par le MusBA en 2020. 
 
 
Odette BOYER-CHANTOISEAU 
Composition, Constructions dans les champs, 1945
Huile sur toile, 89 x 116,5 cm 
Don Robert Coustet, 2020 
 
 
Un début de carrière prometteur
Née à Bordeaux en 1907, Odette Boyer est issue d’une famille bourgeoise catholique qui pratique la peinture, la musique et s’intéresse à la littérature. La jeune fille étudie d'abord la peinture dans un petit atelier de quartier puis intègre l'Ecole des Beaux-Arts de 1927 à 1931. Très ambitieuse, elle obtient son diplôme et décide de vouer sa vie à la peinture dans le but de participer à de prestigieux concours tel que le Prix de Rome.
En 1928, elle contribue à la création de la Société des Peintres Indépendants bordelais pour laquelle elle expose jusqu’en 1955. Elle intègre aussi, de 1952 à 1965, Structures, une société artistique mise en place par les défenseurs de l'art abstrait.
À la fin des années 1920, elle ramène d’Espagne ses premières pochades, au dessin rapide et aux couleurs intenses, dont elle gardera plus tard la marque expressive dans ses paysages, nus, portraits et scènes religieuses. L’artiste s’essaie aussi à d’autres pratiques picturales en réalisant des vues du Bassin d’Arcachon, aux tons légers, qui la rapprochent de la facture et de la poésie d’Albert Marquet (1875-1947).
 
Des rencontres bouleversantes
Sa rencontre avec le jeune industriel Raymond Chantoiseau bouleverse les projets de la jeune femme. Ils vivent une passion amoureuse forte où la spiritualité occupe une place importante. Alors que d'autres écrivent des lettres d'amour, elle lui peint des toiles. En 1931, après que Raymond se soit converti à la religion catholique, ils se marient et fondent une famille de quatre enfants. Opposé à la vision archaïque de la femme au foyer, Raymond fait le serment de travailler toute sa vie pour offrir sécurité et confort à sa femme afin de la libérer de ce qu’il estime être des contraintes physiques et matérielles. C’est ainsi, et avec son concours qu’elle obtient la liberté d’exercer son talent et de vivre pleinement sa vocation.
 
Odette Boyer-Chantoiseau participe à de nombreux salons : de 1933 à 1950 aux Salons des Indépendants Bordelais ; de 1950 à 1956 au Salon de mai à Paris ou encore en 1950 au Prix régional de la Jeune Peinture. Cette même année, elle rencontre le peintre Roger Bissière (1886-1964), un des promoteurs de la peinture non figurative en France, dont l’influence marquera durablement l’œuvre de la Bordelaise. Eblouie et inspirée par le talent de l’homme, son humilité́ et le rayonnement de son œuvre, Odette Boyer-Chantoiseau poursuit alors son propre chemin, entre figuration et abstraction.
 
Odette Boyer-Chantoiseau chez Roger Bissière à Boissierette, 1955
Odette Boyer-Chantoiseau et Roger Bissière à Boissierette, 1955
 
Création et fin de carrière
Les années 1955 à 1965 sont synonymes d’une grande ferveur créatrice et d’un hymne coloré à la nature dans l’œuvre de l’artiste. Elle trouve sa place aux côtés des artistes de l’abstraction, élèves de Bissière, dont Jean Bazaine (1904-2001), Alfred Manessier (1911-1993), Jean Le Moal (1909-2007) et Victoire-Elisabeth Calcagni* (1899-1969). 
Après le décès de son époux, en 1965, l’artiste renonce à sa passion. Elle décide de consacrer la fin de sa vie à Dieu. Durant cette retraite religieuse, Odette Boyer-Chantoiseau étend son œuvre au chant religieux, à la fabrication de vitraux et à des œuvres sacrées en cuivre et étain.
Certains des artistes de l'abstraction, comme Manessier ou Calcagni, participent aussi au renouveau de l’art sacré. En intégrant une dimension spirituelle à leurs créations, ils contribuent à l’émergence d’une nouvelle tendance au sein du mouvement.
 

Zoom sur l’abstraction et Composition, Constructions dans les champs

L’abstraction connait un grand succès et se traduit par une multiplicité de tendances et démarches artistiques. Maurice Gay (1899-1961), Marcel Pistre (1917-1979), Victoire-Elisabeth Calcagni*, Simone Colombier* (1903-1984), Anny Fourtina*(1912-1967) et Claude Lagoutte (1935-1990) sont d’importants représentants de ce mouvement à Bordeaux.
L’œuvre Composition, Constructions dans les champs (1945) est léguée en 2020 par l’un des donateurs et bienfaiteurs du musée des Beaux-Arts, Robert Coustet (1934-2019), grand connaisseur de l'histoire de la peinture bordelaise et ancien président de l’Académie nationale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux. Cette huile sur toile, œuvre de jeunesse de l’artiste, intègre déjà tous les codes de l’art abstrait : formes, lignes, quadrillages et variations de couleurs avant même sa rencontre avec Roger Bissière. En suivant sa vocation, Odette Boyer-Chantoiseau, ou celle qui selon sa famille « vivait pour la peinture », est aujourd’hui reconnue comme l’une des pionnières de l’art abstrait.
 
*Présente dans l’exposition Elles sortent de leur(s) réserve(s).
 
 
 
Dans son atelier, en 1931.
Odette Boyer à gauche, son futur mari, Raymond Chantoiseau à droite. Au centre, une inconnue.
Photographie anonyme.
Collection particulière.
 
L'atelier d'Odette Boyer Chantoiseau, vers 1954. Collection particulière
 
L'atelier d'Odette Boyer Chantoiseau vers  1954.                    
Photographie anonyme.
Collection particulière.

Odette Boyer Chantoiseau en  1931.   
Photographie anonyme.
Collection particulière.
 
 
Odette Boyer et l'Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux, album photographiques de l'artiste
 
Album souvenir réalisé par l'artiste.
Photographies anonymes 1925-1931.
Collection particulière.
 
Odette BOYER-CHANTOISEAU, Composition, Constructions dans les champs, 1945