L'art fait des miracles ! Une brève histoire de l’art thaumaturge

L’étymologie du mot « thaumaturge », en grec ancien, associe les notions de merveille et de travail. De nombreux artistes ont représenté des scènes de guérison fascinantes, à la croisée de la maladie et de la magie.

Depuis toujours, l’histoire de l’art a croisé l’histoire sanitaire et épidémiologique et nombreux sont les artistes à avoir représenté les maladies de leur temps. Parmi les épidémies, la peste a été sans nul doute la plus grande source d’inspiration. Après la mortifère peste noire de 1348, les donations pieuses, images votives et commandes sacrées se multiplient. Dès la Renaissance, une fonction thaumaturgique est assignée à l’art auquel on prête de miraculeux pouvoirs de guérison ; les deux saints protecteurs invoqués contre l’épidémie, Saint Sébastien et Saint Roch, deviennent très populaires dans les croyances et la peinture religieuse.  Au musée des Beaux-Arts de Bordeaux, c’est un saint Sébastien, soigné de ses blessures par tirs de flèches et lapidation par sainte Irène à la lueur d’une chandelle, que vous pouvez découvrir dans l’aile sud.

La peste qui s’abat sur Marseille en 1720 suscitera à son tour une riche iconographie non seulement de la part des peintres locaux mais aussi d’artistes célèbres comme Eugène Isabey et Louis David (Saint Roch priant pour les pestiférés, 1780, musée des Beaux-Arts de Marseille). Le chef-d’œuvre iconique de l’iconographie pestilentielle reste toutefois le Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa du Baron Gros (1804, musée du Louvre), tableau commandé par Napoléon pour illustrer un épisode de la campagne d’Egypte.

             

Au musée des Beaux-Arts de Bordeaux, vous pouvez admirer, dans la première salle de l’aile nord, le tableau de Guillaume Guillon Lethière, un suiveur de David, représentant Saint Louis visitant les pestiférés dans les plaines de Carthage, lors de la 8e croisade en 1270 où le roi Louis IX mourut de maladie. Exposée au Salon de 1822 aux côtés de La Barque de Dante de Delacroix, cette peinture oppose au néoclassicisme davidien alors vieillissant le souffle tumultueux de la jeune génération romantique. Le geste généreux et courageux du pieux monarque, touchant la tumeur d’un officier moribond sans avoir les mains enveloppées, semble faire écho à l’héroïsme du corps médical sur le front du coronavirus comme si le Covid-19 avait, en quelque sorte, ressuscité les drames et les peurs liés à la plus célèbre épidémie médiévale… 

   

Maître à la chandelle, <i>Saint Sébastien soigné par Irène </i> © Musée des Beaux-Arts, Ville de Bordeaux

Maître à la chandelle, Saint Sébastien soigné par Irène © Musée des Beaux-Arts de Bordeaux