Le Miracle de saint Just

Pierre Paul Rubens

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Date : vers 1633
Technique : huile sur toile
Dimensions : H. 191x l. 134 cm
Acquisition : don de Napoléon III à la Ville, 1853
N° inv. : Bx E 455
Exposé
Crédit photo : F. Deval, mairie de Bordeaux

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Ce tableau illustre l'épisode dans lequel saint Just, jeune martyr décapité, porte miraculeusement sa tête entre ses mains. Rubens saisit avec intensité ce moment dramatique qui illustre la piété filiale. Il s’agit d’un des rares exemples connus de cette iconographie dans la peinture. 

Au IIIe siècle de notre ère, sous les persécutions de l'empereur Dioclétien, un jeune garçon nommé Just, âgé de neuf ans, entreprend un voyage marquant avec son père. Ensemble, ils quittent Auxerre pour Amiens afin de payer la rançon de l’oncle de Just, emprisonné en raison de sa foi chrétienne. En chemin, Just fait preuve d’une grande générosité : il donne sa tunique à un mendiant, ne gardant pour lui qu’une simple chemise.

Une fois l’oncle libéré, les trois reprennent la route vers Auxerre. Mais près de Beauvais, le proconsul Rictiovarus lance quatre cavaliers à leur poursuite. Pour protéger son père et son oncle, Just leur demande de se cacher dans une grotte, puis se livre courageusement aux soldats. Ne trouvant pas les deux adultes, l’un des cavaliers descend de cheval et décapite Just. Le corps du jeune martyr se relève alors, portant sa tête entre ses mains : une scène connue sous le nom de céphalophorie statique. Il retrouve ses proches, sortis de leur cachette, et leur confie une dernière volonté : brûler son corps dans la grotte et rapporter sa tête à sa mère. 

Dans une composition sobre en apparence – une scène principale au premier plan, avec une perspective qui s’ouvre sur la droite – Rubens relève un véritable défi artistique : représenter un enfant décapité, dont le corps est sans vie mais dont la tête rayonne encore d’expression et de lumière. S’il avait déjà peint des têtes coupées, comme celle de Méduse (1617, Vienne, Kunsthistorisches Museum) ou de Cyrus (1618, Boston, Museum of Fine Arts ; 1620-1625, Paris, musée du Louvre), Rubens innove ici en réinterprétant la posture penchée qu’il avait donnée à Sénèque (1612-1613, Munich, Alte Pinakothek) pour figurer Just. Il insuffle également à la scène une intensité émotionnelle rare dans son œuvre, en capturant la stupeur et la douleur des deux hommes témoins du miracle.

Cette puissance expressive n’a pas échappé aux grands artistes. Le peintre anglais Joshua Reynolds écrit en 1781 : « De ce sujet ingrat, Rubens a fait un excellent tableau, d’un dessin correct et colorié d’une manière plus pure que cela ne lui étoit (sic) ordinaire. La surprise de ces deux hommes est admirablement exprimée ; et l’union entre elles et le fonds est de la plus grande perfection. » Quant à Delacroix, voici ce qu’il note dans son Journal à la date du 8 février 1847 : « Excellente journée. J’ai débuté par aller voir rue Taranne le tableau de saint Just de Rubens. Admirable peinture. Les deux figures des assistants, de son gros dessin, mais d’une franchise de clair-obscur et de couleur qui n’appartient qu’à l’homme qui ne cherche pas et qui a mis sous ses pieds les folles recherches et les exigences plus sottes encore. »

Le saviez-vous ?

Commandé par Balthazar I Moretus, grand imprimeur anversois et ami de Rubens, Le Miracle de saint Just fut réalisé en 1629 pour le couvent des Annonciades d’Anvers. En 1853, il fut acquis par Napoléon III qui l’offrit à la Ville de Bordeaux en échange d’un portrait au pastel de Rosalba Carriera. Delacroix, fasciné par l’œuvre et grand admirateur de l'artiste, en fit une copie en 1847 (Fribourg, Suisse, musée d’art et d’histoire). Le MusBA a acquis un dessin préparatoire à cette œuvre en 2016.

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