Rinaldo CARNIELO, Mozart expirant

(Boscomontello-Biadone, 1853 – Florence, 1910)

Mozart expirant

1877-1880
Ronde-bosse en marbre
Hauteur 150cm, largeur  93cm, profondeur 150cm
Dépôt de l’Etat en 1890.

 
Un homme jeune, barbu et décharné, à demi-allongé dans un fauteuil, la tête appuyée sur un coussin, est sur le point de rendre l’âme. Il est vêtu d'une chemise à volants, une couverture de laine enveloppe ses jambes et son pied droit repose sur un autre coussin. La main gauche posée sur une partition de musique, il a la tête tournée sur le côté et rejetée en arrière. Ses yeux sont mi-clos et sa bouche, légèrement entrouverte, découvre ses dents.
 
Ce qui caractérise cette sculpture, c’est l’extrême précision du rendu des détails : aspect pelucheux de la couverture de laine, damassé du coussin sur lequel repose la tête de Mozart ou notes de sa partition du Requiem. Carnielo parvient à suggérer dans un matériau aussi rigide que le marbre le moelleux du coussin. Il compose sa sculpture avec rigueur en contenant les diagonales du corps du mourant dans un fauteuil aux lignes horizontales et verticales. Se situant dans la tradition de la sculpture funéraire italienne, il représente les derniers instants du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (Salzbourg, 1756 – Vienne, 1791).
 
D’après les recherches menées par Evelyne Helbronner dans son Catalogue raisonné des sculptures du XIXème siècle des Musées de Bordeaux (Thèse de doctorat, Paris IV, 2003), Carnielo eut du mal à obtenir l’envoi de son œuvre à l'Exposition Universelle de Paris de 1878. En effet, le délégué du gouvernement italien l’écarta, trouvant « le sujet trop lugubre ». L’artiste dut alors se tourner vers Paris qui accepta de la présenter. Le plâtre fut acheté 12.000 francs par le gouvernement français afin d’être exécuté en marbre. La sculpture devait être exposée au Conservatoire national de musique. Livrée en 1880, elle ne put être y installée car les travaux d’embellissement n’étaient pas achevés, situation qui dura encore dix ans. Après avoir été proposée à Toulouse, elle fut finalement attribuée au musée des Beaux-Arts de Bordeaux où elle fut envoyée en 1890. A Bordeaux, on renonça à la présenter au Grand Théâtre, « lieu de fête et de plaisir » et elle fut finalement déposée au musée.
 
Issu d’une famille modeste, Carnielo fut élève de l’Institut Technique et de l’Ecole de dessin pratique de Padoue puis il suivit l’enseignement de Costoli à l’Académie des Beaux-Arts en 1870 à Florence. Après des débuts difficiles, il y obtint un atelier. Il commença à exposer à Rome en 1883. Même s’il a produit de petites figures animales, des statuettes aimables sur le thème de l’amour et des objets d’art décoratif, un de ses thèmes de prédilection est la représentation du tragique et du macabre, amorcé par son Mozart mourant ; cette voie, l’artiste la poursuivra avec L’Ange de la mort pour le tombeau du prince Woronzoff au cimetière de Montmartre.
 
Ce thème fut exploré par des sculpteurs contemporains de Carnielo comme Henri Allouard qui réalisa en 1882 un Molière mourant ou Pierre-Joseph Rambaud un Berlioz mourant en 1892. Il convient d’ailleurs de rappeler que la sculpture funéraire a toujours occupé une place importante dans les commandes passées aux sculpteurs.  Il s’agissait en effet d’orner les tombeaux des grands de ce monde par des portraits ou des allégories – la référence majeure dans ce domaine demeurant les réalisations de Michel-Ange pour les tombeaux des Médicis. Pour Mozart, le cas est différent puisqu’il s’agit de pérenniser dans la pierre le passage de vie à trépas d’un artiste, en l’occurrence un musicien. Ce goût de la mort relève plus du spleen que traduisent à la fin du XIXème siècle les  écrivains comme Baudelaire, les  peintres symbolistes comme Gustave Moreau, les sculpteurs comme Rodin et sa Porte de l’Enfer ou Camille Claudel et sa Clotho.
 
Il peut être également intéressant de comparer cette sculpture de Carnielo avec un autre dépôt de l’Etat envoyé la même année (1890) au musée des Beaux-Arts, Lutinerie de Henri Allouard qui est son exact opposé puisqu’elle représente une bacchante allongée se faisant lutiner par un petit satyre. En cette fin de siècle, la sculpture académique aborde tous les sujets, qu’il s’agisse de l’évocation de la finitude humaine ou celle de la vie et des plaisirs de l’amour.

 

Carnielo, <i>Mozart expirant</i> © Musée des Beaux- Arts, Photo F. Deval

Carnielo, Mozart expirant © Musée des Beaux- Arts, Photo F. Deval