Pierre Bonnard (1867-1947) fut l'un des membres fondateurs du groupe des Nabis, formé dès 1888. Peintre de délectation, Bonnard développa tout au long de sa vie une peinture très personnelle, éloignée des avant-gardes, et principalement incarnée dans des scènes d'intérieur, où il puise des motifs lui permettant de donner libre cours à son traitement de la couleur.
Le sujet d'une femme ajustant ses bas avait déjà été traité par d’autres artistes, notamment Edgar Degas (1834–1917) et Henri de Toulouse-Lautrec (1864–1901) quelques années auparavant. Toutefois, Bonnard le reprend ici différemment et se plaît à évoquer, avec une spirituelle négligence, le décor de l'intimité féminine. À partir des années 1890, l’artiste s'inspire des estampes japonaises, auxquelles il doit son goût pour certains motifs décoratifs – comme le papier peint des murs –, ainsi que pour les perspectives plongeantes et les cadrages audacieux.
Le sujet principal est son modèle favori, sa femme Maria Boursin, qui se faisait appeler Marthe, que Bonnard surprend ici dans les gestes les plus simples de la vie quotidienne et de son intimité domestique : dans son bain, occupée aux soins de son corps, ou, comme ici, mettant ses bas. Sur le fond sombre couvert d'étoffes et de tapisseries, le corps de Marthe s’abandonne, épanoui, dans une intimité dont elle est la maîtresse de cérémonie. La blancheur de sa carnation, le rouge de ses joues et son léger sourire donnent vie à cet espace.