Cette œuvre de maturité, exposée au salon de 1841, alliant la couleur romantique à la rigueur classique de l'enseignement académique, est un des rares exemples de la production religieuse de Julien-Michel Gué (1789–1843). Ce dernier s’illustra aussi dans les sujets antiques néoclassiques, les paysages et même les décors, essentiellement pour les théâtres.
La scène représente un épisode biblique tiré de l'Évangile selon saint Matthieu.
Le roi Hérode, ayant appris par les Mages la naissance à Bethléem du « roi des Juifs », ordonne la mise à mort de tous les enfants de la ville de moins de deux ans. Joseph est averti en songe par un ange qu’il doit fuir la Judée pour rejoindre l’Égypte avec l’enfant Jésus et sa mère afin d’échapper au massacre.
Les figures classiques et la gestuelle délicate de la Sainte Famille évoquent dans cette composition équilibrée les compositions de Raphaël, que Gué connaissait pour les avoir étudiées au Louvre mais aussi pour les avoir vues pendant son voyage en Italie.
Dans la lignée de son maître David, l'artiste se veut fidèle au texte historique, suivant le goût pour les études archéologiques de l’époque : les pyramides d’Égypte se dressent à l’arrière-plan, annonçant le futur sanctuaire de la famille.
Le turban de bédouin de Joseph, le traitement de la lumière du ciel blanc-beige, qui évoque la chaleur du désert, ajoutent à cette invitation à rêver d’Orient. Le palmier, quant à lui, n’est pas qu’un simple élément pittoresque ou élément de composition : il fait aussi référence à l’évangile apocryphe (non reconnu comme canonique par l’Église) du pseudo-Matthieu, qui retrace l’enfance du Christ et rappelle le « Miracle du palmier ». Ce dernier se courbe miraculeusement grâce à Jésus, permettant à Marie d’en saisir les fruits pour se nourrir.
Si la critique autant que l’Église soulignaient le manque de religiosité de ce type d’œuvres, un peu trop profanes à leur goût, elles correspondaient à la découverte et à l’attrait grandissant de l’Orient à cette époque, contribuant à une revivification de la peinture religieuse dans une veine orientaliste.