Surprenante figure que cette femme qui offre son corps à notre regard, et dont la grappe de raisin au premier lieu indique qu’il s’agit d’une bacchante, une prêtresse de Bacchus, le dieu du vin et de la fête dans la mythologie romaine : André Lhote (1885-1962) a en effet choisi de traiter ce sujet mythologique dans une veine résolument moderne.
L’année 1912 marque alors une rupture dans son œuvre : l’artiste se convertit au cubisme sous l’influence de ses amis du Groupe de Puteaux qui rassemble, entre autres, Jacques Villon, Marcel Duchamp, Albert Gleizes et Guillaume Apollinaire. Il ne rejette cependant pas totalement les maîtres anciens qu’il a longuement étudiés, notamment Rubens et Delacroix, ni les sujets traditionnels comme ceux tirés de la mythologie. Dans cette œuvre datée de 1912, il réalise une habile synthèse d’un sujet classique et d’un traitement formel moderne. Sa formation initiale de sculpteur suivie à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux se lit en effet dans le traitement très plastique de la figure. L’influence de Gauguin, dont Lhote réalisa d’ailleurs une copie du Christ au jardin des oliviers aujourd’hui dans les collections du MusBA, se retrouve dans l’emploi de couleurs vives.
Le paysage à l’arrière-plan, aux formes arrondies qui font écho à celle de la figure, témoigne quant à lui d’une inspiration cézanienne. Enfin, si les formes géométriques s’inscrivent évidemment dans la veine cubiste, Lhote s’en écarte toutefois en privilégiant les lignes souples. Autant d’éléments qui confèrent à son œuvre une sourde sensualité, accentuée par le regard en coin que semble nous adresser cette femme alanguie.