Cybèle

Auguste Rodin

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Date : 1904
Technique : ronde-bosse, plâtre, moule à pièces (surmoulage)
Dimensions : H. 166 cm ; L. 80 cm ; P. 94 cm
Acquisition : achat à l'artiste lors du Salon de la Société des Amis des Arts de Bordeaux, 1906
N° inv. : Bx E 1230
Exposé
Crédit photo : F. Deval, mairie de Bordeaux

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Lorsqu'Auguste Rodin (1840-1917) réalise ce plâtre en 1904, il est alors au sommet de sa carrière. Dès le dernier quart du 19e siècle, il révolutionne l’art de la sculpture avec des œuvres marquées par l’inachevé, le fragment, et une iconographie qui bouscule ses contemporains, comme son célèbre Balzac en robe de chambre (1891). 

Rodin avait l’habitude de réutiliser des motifs et fragments de ses œuvres antérieures, qu’il appelait « abattis ». Cybèle reprend ainsi une petite figure assise qu’il avait initialement créée à la fin des années 1880 et intégrée à sa composition monumentale de La Porte de l’Enfer (une porte en bronze destinée au futur musée des Arts Décoratifs).

Pour produire une version agrandie de Cybèle, Rodin charge son praticien Henri Lebossé d'utiliser un pantographe, un procédé inventé en 1844, permettant initialement de réduire et ici d’agrandir une œuvre tout en respectant ses proportions. 

Ce plâtre surprend autant par ses dimensions que par son caractère avant-gardiste. Les coutures visibles du moule signalent qu'il s'agit d'une œuvre multiple, à partir duquel plusieurs bronzes peuvent être tirés, une démarche parfaitement délibérée de la part de Rodin. Le choix de laisser la surface brute marquée par les traces de l’outil crée aussi une impression d’inachèvement volontaire. Rodin voit dans cette approche une manière de traduire la dynamique de la matière, en perpétuel mouvement. Comme il le dit : « L'unité de l'œuvre fondamentale repose sur l'équilibre des volumes simples et quelques indications de directions, certaines parties, secondaires, peuvent être supprimées. » 

L'œuvre prend le nom de Cybèle en 1914. Auparavant, la sculpture était connue sous les titres Femme assise ou Abruzzesi assise, en référence à Anna Abruzzesi, l’un des modèles favoris de Rodin. Le nom de la déesse Cybèle a été choisi pour accentuer l’aspect divin et monumental de l’œuvre, tout en conservant la sensualité et l’intensité propres à l'interprétation d’Abruzzesi. En renonçant à un titre trop ancré dans la réalité, Rodin oriente l'œuvre vers une dimension plus universelle et intemporelle.

À noter

Cette œuvre fut exposée au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de Paris en 1905, puis exposée l’année suivante au Salon de la Société des Amis des Arts de Bordeaux. Elle est achetée par la Ville à cette occasion. Bordeaux devient ainsi l’une des premières à posséder une œuvre de Rodin de son vivant. 

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Lorsqu’en 1904 Auguste Rodin réalise ce plâtre trois fois plus grand que nature, intitulé Cybèle, il est alors au sommet de sa carrière. 
À l’aube du 20e siècle, ce dernier révolutionne la sculpture, tant par ses innovations techniques et iconographiques que par l’expressivité de ses figures. Rodin s'inspire ici d’une petite figure assise de 51 cm, avec tête et bras, probablement en argile, réalisée plus de vingt ans plus tôt. Elle appartenait à une foule de figures entremêlées sur la porte de l’Enfer, une porte monumentale en bronze destinée au futur musée des Arts Décoratifs. Ici, Rodin affirme sa volonté de créer une œuvre à part entière. Il charge l’un de ses praticiens, Henri Lebossé, d’en faire un plâtre monumental, en agrandissant la sculpture d’origine grâce à des procédés mathématiques et techniques que ce dernier a lui-même inventés. Vous pouvez noter l’avant-gardisme de Rodin : le bras gauche et la tête de la statue manquent, les coutures du moule sont apparentes, et la surface du corps est laissée brute avec des traces de travail de la matière. À travers l’ondulation de la ligne et le mouvement du corps, contraint par une pose compliquée, le sculpteur révèle toute la sensualité de ce nu. 
Cette sculpture entre dans les collections du musée dès 1906. Bordeaux devient alors l’une des premières villes françaises à conserver une œuvre de Rodin du vivant même de l’artiste.