Grâce à un généreux don de la Société des Amis du musée, le musée enrichit ses collections d’une rare feuille signée d’Eugène Delacroix.
Cette étude préparatoire, première pensée sans doute pour le tableau La Grèce sur les ruines de Missolonghi – icône des collections bordelaises - témoigne des recherches préliminaires du peintre pour traduire la tension dramatique de cette scène historique, tout en révélant la virtuosité de son talent de dessinateur.
À l’aube du Romantisme, nombre d’artistes comme Eugène Delacroix, ainsi que des écrivains européens tels que Victor Hugo, Chateaubriand et Lord Byron, s'enthousiasmèrent pour la cause philhellène qui trouvait un écho politique à leur propre quête de liberté artistique. Ce dessin de Delacroix révèle avec brio le romantisme enfiévré de l’artiste et sa virtuosité à traduire l’expression d’une résistance désespérée. Les multiples positions des bras et les furieux enchevêtrements de traits de plume expriment le combat héroïque des quatre mille défenseurs de Missolonghi, encerclés par une armée d’ennemis.
Le format carré du dessin se rapproche des autres croquis préparatoires pour le tableau ; cependant, la composition finalement retenue évoluera vers une figure verticale et statique très éloignée de celle à l’agitation désespérée qu’exprime ici l’extrême nervosité des traits d’encre brune. Delacroix choisira plutôt le sens d’un sacrifice conscient et d’un héroïsme silencieux au détriment de la violence des sentiments exacerbés.
D'emblée, il songe à incarner la Grèce par une figure allégorique. Mais contrairement au hiératisme presque sculptural de la figure peinte sur le tableau, l’artiste campe ici une silhouette agitée, tout en mouvements contorsionnés (une étude pour le tableau, très proche de celle-ci, est conservée dans la collection du musée Eugène-Delacroix à Paris). Delacroix reprendra cinq ans plus tard cette idée de la femme conduisant la révolte dans La Liberté guidant le peuple (Paris, musée du Louvre), tableau commémorant les journées de la Révolution de Juillet 1830, où le peuple parisien, comme le peuple grec à Missolonghi quatre plus tôt, se souleva contre l’oppresseur, et conquit sa liberté de haute lutte.