La couleur, d'abord récusée dans ses « Noirs », alors que Redon (1840-1916) vivait dans un monde de fantasmes angoissants, resurgit au tournant du siècle. Père d'un second fils (le premier était mort-né), Redon renaît à la vie et à la couleur qui exprime à la fois une joie et un apaisement retrouvés. La couleur est souvent associée alors à l'accession à un monde spirituel.
L'ascension du char du dieu Apollon vers la lumière correspond au cheminement de l'artiste vers cette quête mystique.
De 1905 à 1910, Redon, précurseur du symbolisme, s’inspire en l’épurant à plusieurs reprises du plafond de la Galerie d'Apollon au palais du Louvre, chef-d’œuvre peint par Delacroix qu'il admirait.
Il note ainsi dans son Journal : « C'est le triomphe de la lumière sur les ténèbres. C'est la joie du grand jour opposée aux tristesses de la nuit et des ombres et comme la joie d'un sentiment meilleur après l'angoisse. »
Dans cette œuvre, qui mélange peinture à l'huile, pastel et sanguine, la couleur diaphane et lumineuse nous transporte dans un univers onirique.
Fier et conquérant sur son char doré, Apollon, divinité solaire par excellence, quitte le sommet d’une montagne aride et rocheuse, tandis que son attelage fend déjà l’azur du ciel, espace ouvert et léger. Le brun-rouge sombre de la terre, symbole de la souffrance humaine, s’oppose au bleu lumineux du ciel et de l’ailleurs.
Apollon devient l'Esprit victorieux des ténèbres : c'est une allégorie… le combat de la lumière contre l'obscurité, antagonisme symbolique et universel.