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Adriaen Hanneman, Portrait de famille, 17e siècle. Photo : F. Deval, mairie de Bordeaux.

Œuvres cherchent propriétaires !

Musées Nationaux Récupération - MNR

Confisquées par les nazis... toujours pas récupérées. Huit œuvres sont encore au MusBA.

De nombreux musées de France conservent dans leurs collections des œuvres identifiées par le sigle « MNR » signifiant « Musées Nationaux Récupération ».

Derrière cette appellation (qui constitue également le préfixe de leurs numéros d’inventaire) se cache le passé mouvementé de ces œuvres d’art saisies par le régime nazi, puis rapatriées en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

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L’histoire des œuvres spoliées

Durant la Seconde Guerre mondiale, près de 100 000 biens appartenant principalement à des familles juives, des francs-maçons et des opposants au régime du IIIe Reich furent volés par ses dignitaires. Adolf Hitler confia personnellement la mission de spoliation d’œuvres d’art à Otto Kümmel, conservateur des musées nationaux d’Allemagne.
L’objectif premier était de rapatrier toutes les œuvres d’art d’origine allemande créées depuis le 16e siècle, mais l’appétit du gain entraîna le pillage systématique de collections privées et publiques dans tous les pays annexés par le régime.

Le Führer souhaitait exposer les pièces maîtresses de l’art européen sur le sol allemand dans une perspective de réécriture de l’histoire de l’art conforme à l’idéologie nazie. Reflet de la mégalomanie délirante d'Hitler, un vaste musée était d’ailleurs prévu à Linz en Autriche, ville où Hitler passa une partie de son enfance. Les plans de ce vaste complexe architectural, qui devait se nommer le Führermuseum, prévoyaient d’accueillir plus de 4 000 tableaux !
Les œuvres pillées non retenues pour le projet de Linz furent transférées dans d’autres collections de musées du régime promouvant déjà l’idéologie fasciste.

En France, en réponse à la profanation culturelle subie pendant l’Occupation, certaines pièces des collections nationales furent évacuées de Paris et cachées dans des domaines du Sud-Ouest du pays. Celles qui avaient déjà été saisies dans la capitale furent entreposées par les S.S. dans les salles du Louvre, mais l’espace devint rapidement trop étroit et le musée du Jeu de Paume, situé place de la Concorde, fut réquisitionné à son tour par le régime.
C’est au sein de cette institution que travaillait l’attachée de conservation et résistante Rose Valland (1898-1980), qui fit secrètement et au péril de sa vie un inventaire des collections, suivant la trace de ces œuvres volées et déportées en Allemagne. Son travail inestimable d’identification et de localisation permit de récupérer de nombreux objets d’art après la défaite du IIIe Reich. 

Au lendemain de l’Armistice, les œuvres spoliées ainsi que celles acquises sur le marché de l’art entre 1939 et 1945, connues de l’Office des biens et intérêts privés et de la Commission de récupération artistique, furent en grande partie retrouvées. En 1949, sur les 61 233 objets renvoyés en France, plus de 45 441 furent restitués à leurs légitimes propriétaires ou héritiers directs. Toutefois, en dépit de cet important travail de restitution, plus de 13000 biens ne furent jamais réclamés et furent vendus par l’État français.
L’administration ne conserva que 2 143 objets spoliés. Ceux-ci furent confiés aux Musées Nationaux et enregistrés dans les inventaires provisoires dits de récupération, d’où le sigle MNR ou « Musées nationaux récupération » qui leur est attribué. Exposées dans différents musées de France, les œuvres répertoriées MNR peuvent être, à tout moment, demandées par les ayants-droits, descendants ou héritiers, disposant de pièces justificatives. Sur le plan juridique, défini par le décret du 30 septembre 1949, ces œuvres n’appartiennent pas à l’État, qui n’en est que le détenteur provisoire.

Les œuvres MNR du MusBA

Les huit tableaux MNR du musée des Beaux-Arts de Bordeaux connurent une histoire mouvementée.

Huit d’entre eux furent volés puis vendus sur le marché de l’art entre 1939 et 1944, à l’exception de la Scène d’auberge de Bernadus van Schijndel (MNR 740) qui fut saisie par la Möbelaktionbilder, un service chargé de récupérer les biens abandonnés dans les appartements désertés par des familles fuyant le régime nazi.
Avant la défaite d’Hitler, Hercule aux pieds d’Omphale de Gaspare Diziani (MNR 283) et Le Portrait de Richard Robinson de Sir Joshua Reynolds (MNR 335) étaient destinés à rejoindre le Führermuseum. 

Entre 1950 et 1951, lorsque ces œuvres furent rapatriées en France, elles furent systématiquement attribuées au musée du Louvre par l’Office des Biens et Intérêts Privés, puis réparties dans les musées de France à la suite de l’étude des besoins des collections ainsi que d’une réflexion sur le patrimoine historique et culturel des villes.
Les MNR du MusBA furent déposés entre 1951 et 1956. Ces dépôts de l’État sont majoritairement des œuvres britanniques et font écho aux liens historiques entre la capitale de la Gironde et la Grande-Bretagne. 

Ces huit toiles furent présentées en 2012 dans une exposition intitulée L’art victime de la Guerre. Destin des œuvres d’art en Aquitaine pendant la Seconde Guerre mondiale sous la direction de Florence Saragoza, alors conseillère Musées à la DRAC Aquitaine. Aux côtés des œuvres des musées bordelais furent aussi exposées celles de l’ensemble des musées de l’ancienne région Aquitaine. Un catalogue accompagnait cette exposition, replaçant ainsi ces œuvres dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et révélant leur passé tumultueux.

Visibilité

Les œuvres répertoriées « MNR » ont l’obligation d’être exposées au public afin que tout chercheur travaillant sur les spoliations, ou tout éventuel ayant-droit, puisse établir leur provenance ou se signaler. 

Pour renforcer leur visibilité, le musée les signale aux visiteurs sur son site web et en salle grâce à une cocarde qui porte l’inscription « Œuvre spoliée, nous recherchons son propriétaire », présente sur les cartels de chacune de ces œuvres. Cette volonté s’inscrit dans la lignée des 80 œuvres restituées par l’ensemble des musées d’Aquitaine depuis leur dépôt par l’État en 1951.

Liens utiles

  • Toutes les œuvres « MNR » sont consultables sur la base de données Rose Valland.
  • Le site Lootedart.com recense tous les livres et articles examinant la question des œuvres spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale : Books and Publications
  • La bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art (I.N.H.A.) propose une page web consacrée aux bases de données et catalogues sur les œuvres d’art volées et spoliées.
  • Le site intitulé The cultural Plunder by the Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg met en ligne les sources documentaires et archivistiques de l’ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg) permettant de retracer l’historique de nombreux objets d’art.
  • La Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) est chargée de retracer la provenance des œuvres spoliées durant l’Occupation française. Plus d’une cinquantaine de tableaux ont ainsi pu être rendus depuis 1951, sans compter les œuvres appartenant aux autres collections du Louvre et celles des musées nationaux. Pour en savoir plus, cliquez ici.
  • Pour toute requête MNR, envoyez votre demande à l'adresse suivante :
     Direction générale des Patrimoines
     Service des musées de France
     6 rue des Pyramides
     F - 75001 Paris